Article publié le 01 octobre sur le site de la Revue Politique et Parlementaire
Alors que la France affiche déjà de tristes records fiscaux, Bernard COHEN-HADAD fait sienne la maxime « il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable » en préférant aux hausses d’impôts la réforme de l’action publique, la simplification administrative et la poursuite de la politique de l’offre favorable aux entreprises menée avec succès depuis 2017.
Dans un pays où les entreprises chancellent déjà sous le poids de l’impôt, toute hausse – fût-elle ciblée, exceptionnelle et temporaire – est réellement et symboliquement contre-productive. Réellement, car réduire les bénéfices d’aujourd’hui, c’est nuire aux investissements de demain et détruire les emplois d’après-demain. Symboliquement, parce l’instabilité génère de la défiance voire de la méfiance. Alors que la France affiche de tristes records, je veux faire mienne la maxime de l’écrivain Alphonse Allais : « il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable » .
Tristes records
La France est le deuxième pays de l’OCDE (après le Danemark) pour son taux élevé d’impôts, de taxes et de cotisations. Fruits d’une histoire singulière alternant inventivité fiscale (la France créa la TVA) et révolte contre l’impôt (de la Grande Jacquerie aux « Gilets jaunes »), les 480 taxes et impôts existant y représentent 45 % du PIB. Elle est aussi le pays européen où la taxation sur le salaire complet est la plus haute, en moyenne 54 %, et où le taux moyen d’imposition des sociétés est le plus élevé, en moyenne 30,3 %.
La France est enfin le pays où 44 % seulement des foyers s’acquittent de l’impôt sur le revenu et où 10 % des redevables de cet impôt représentent 75 % de ses recettes. Les classes moyennes semblent taillables et corvéables à merci. Le consentement à l’impôt s’érode à mesure que monte le sentiment d’injustice.
Demander plus à l’impôt
Les dépenses publiques françaises représentent 57 % du PIB, environ 8 points devant la moyenne de l’UE. Pour redresser les comptes publics et trouver environ 30 milliards d’euros par an pendant au moins trois ans, il faut donc d’abord changer de modèle économique et de façon de penser l’action publique afin de réduire prioritairement toutes les dépenses inutiles.
Dans cette perspective, il convient de mener la « mère des réformes » qu’est la réforme de l’action publique, en cessant d’empiler les échelons, les niveaux et les strates.
Car si l’État, les collectivités territoriales et les administrations de la sécurité sociale doivent diminuer leur niveau de dépense, elles doivent aussi augmenter leur efficacité. La sphère publique apparaît trop malhabile : dégradation du service rendu, redondance plutôt que subsidiarité, problème de productivité, absentéisme, etc. Il faut aussi lutter contre la fraude fiscale et la fraude sociale. Cette dernière, qu’il s’agisse de la fraude aux prestations ou aux cotisations, atteindrait 13 milliards d’euros chaque année. L’IA pourrait être d’une grande utilité dans le renforcement de cette lutte. C’est d’autant plus urgent que fraude sociale et fronde sociale sont parfois proches…
Enfin, la principale attente de la France des petits entrepreneurs est simple : pouvoir travailler dans de bonnes conditions, sans que leur vie soit inutilement compliquée par une sur-réglementation dont l’OCDE chiffre le coût pour la France à 60 milliards d’euros.
De la simplification, encore de la simplification, toujours de la simplification !
Demander moins au contribuable
Le redressement des comptes publics passe aussi par la création de richesses et d’emplois. Il faut par conséquent continuer la politique de l’offre favorable aux entreprises menée avec succès depuis 2017, en poursuivant notamment l’allègement de leurs charges et en maintenant les aides à l’apprentissage pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés. Pour créer de la richesse, il convient aussi de supprimer les droits qui grèvent les fusions et les acquisitions, de réduire les droits de succession, de rétablir les avantages fiscaux des investisseurs privés dans les PME et de mieux contrôler nos importations de produits manufacturés.
Pour que le travail soit plus rémunérateur sans compromettre la compétitivité des entreprises, il faut alléger son coût pour l’employeur et donc financer la protection sociale par une autre assiette, plus durable. Modèle social et compétitivité des entreprises ne sont pas opposés ! Au contraire, la seconde est sûrement la meilleure garantie du premier. La réforme de l’assurance chômage doit être simultanément menée à son terme.
C’est en libérant toutes les énergies des acteurs économiques des contraintes qui les entravent au quotidien que l’État inspirera confiance et réunira les conditions de la mise en place d’une économie plus verte, humaine et responsable.
Pour conclure, demander plus à l’impôt et moins au contribuable améliorera in fine l’ensemble du système, avec un État et des entreprises plus agiles et plus efficients.
Bernard COHEN-HADAD, Président fondateur du think tank Étienne Marcel et de la CPME Paris Île-de-France, auteur de « L’avenir appartient aux PME » (Dunod, 2024)
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