Article publié le 26 novembre dans la Revue Politique et Parlementaire
Pour Bernard COHEN-HADAD et Edoardo SECCHI, respectivement fondateurs du think tank Etienne Marcel et du Club France-Italie, la coopération des PME françaises et italiennes peut être un relais moteur du progrès en Europe au moment où nombre d’États membres de l’Union européenne, à commencer par l’Allemagne, traversent une crise inédite.
Un train pouvant en cacher un autre, la coopération économique franco-italienne a longtemps prospéré à l’ombre de la locomotive franco-allemande. La France et l’Italie partagent un écosystème de PME, un tissu entrepreneurial proche, des intérêts nationaux convergents, une vision commune des grands enjeux géopolitiques. Le monde bouge. L’Europe change. Moins mythique, mais plus d’actualité, la coopération des PME françaises et italiennes peut être une nouvelle force motrice du progrès européen. À trois conditions.
Placer les PME au cœur du débat public
Des deux côtés des Alpes, les PME peinent à imposer leur modèle dans le débat public. Pourtant, nous avons la conviction que les PME, entreprises de proximité, à taille humaine et résolument agiles, sont le cœur battant de l’écosystème entrepreneurial. En prise directe avec le territoire où elles sont ancrées, elles ont une connaissance fine des besoins et des attentes de leur « communauté ». Elles sont à l’avant-garde de la RSE, car elles sont les premières à savoir que l’entreprise ne saurait être durablement prospère dans un environnement et une société qui ne le seraient pas aussi.
Elles ont donc un intérêt économique à agir pour être les forces motrices des transitions et des progrès sociaux, sociétaux, environnementaux et numériques.
Au moment où les entreprises sont de plus en plus citoyennes, les citoyens, de leur côté, notamment les jeunes, font de plus en plus confiance aux entreprises pour être les forces motrices des transitions et des progrès. Ils sont de plus en plus eux-mêmes entrepreneurs, pour retrouver du sens au travail et la maîtrise de leur vie. Reste aux responsables politiques à faire leur propre révolution culturelle en valorisant la place des PME dans les politiques publiques et en répondant aux attentes que les citoyens placent dans ces PME. « Small » n’est pas seulement « beautiful » mais aussi et surtout « useful« .
Choisir l’immigration de travail
Des deux côtés des Alpes, le débat sur l’immigration est souvent déformé par les enjeux de sécurité et de souveraineté. Schengen est de plus en plus mal vécu par les populations européennes. Dans le même temps, les PME font face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent.
Elles ont un rôle à jouer pour recentrer le débat sur cet autre enjeu vital : mieux d’immigration, une immigration de travail choisie plutôt qu’une immigration familiale subie, et l’intégration des migrants légaux dans l’économie et la société par le travail.
Une immigration de travail choisie signifie une sélection rigoureuse des personnalités professionnelles dont la France et l’Italie ont besoin pour soutenir les entreprises et améliorer la compétitivité du pays. Si d’un côté la France et l’Italie connaissent une fuite des cerveaux vers d’autres pays offrant plus d’opportunités, de l’autre elles doivent appliquer les mêmes critères de sélection et accepter des profils formés, ayant achevé leur formation et pouvant s’insérer dans le système productif. Dans le domaine de la santé, il existe déjà d’excellents exemples d’intégration de médecins non européens. Ce modus operandi doit être étendu à tous les secteurs importants pour l’économie.
Écologiser l’économie
Des deux côtés des Alpes, les préoccupations environnementales, la décarbonation, l’économie circulaire sont au cœur des attentes des citoyens. Les PME ont vocation à incarner cette démarche RSE, puisque ce sont des entreprises dont la raison n’est pas simplement d’avoir, ni même d’être, mais d’agir. Encore faut-il que l’application des normes européennes « vertes » ne soit pas trop rapide, pénalisant alors la mise en place de solutions responsables plus réalistes pour les entreprises.
La démarche RSE ne doit donc pas être un frein, mais un atout pour se différencier commercialement, améliorer son image et sa réputation, réaliser des économies, gagner en productivité, améliorer sa compétitivité. Elle doit aussi permettre de fidéliser les clients, partenaires et fournisseurs, tout en attirant les talents.
Nombre d’États membres de l’Union européenne, à commencer par l’Allemagne, traversent une crise inédite, tout à la fois économique, politique, parfois identitaire. Dans ces circonstances, les PME françaises et italiennes peuvent incarner les nouvelles forces motrices du progrès, dans leur pays et au niveau européen.
Bernard Cohen Hadad