Article publié le 5 juin 2024 sur le site de l’Opinion
Pour le président fondateur du think tank Étienne Marcel, c’est en défendant mieux ses valeurs que la République se protégera plus efficacement contre les communautarismes religieux et politiques. Aujourd’hui, en France, un Français de confession juive ne peut pas vivre comme ses compatriotes. Dans notre « République indivisible, laïque, démocratique et sociale« , des Français doivent pratiquer leur religion sous protection, quitter l’école publique et s’invisibiliser dans leur vie quotidienne, qui en modifiant son nom sur l’interphone, qui en ne portant plus la kippa dans l’espace public. Dans le pays des Lumières, la patrie des droits de l’homme, les atteintes aux personnes et aux biens des Français juifs sont une triste réalité. Ce climat de discrimination, d’hostilité et de peur est encore plus nauséabond, chaque jour, depuis les attaques terroristes et barbares du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier.
Un cancer protéiforme
Bien sûr, la reprise de la guerre entre Israël et le Hamas catalyse l’exacerbation de l’antisémitisme et l’essentialisation des Juifs. Mais ces dernières lui préexistaient.
A travers l’histoire et la géographie, il y a eu, et il y a toujours, presque autant d’antisémitismes qu’il y a d’antisémites et de préjugés antisémites. L’antisémitisme est un cancer protéiforme, tour à tour et tout à la fois religieux, économique, social, politique… Bien sûr, la reprise de la guerre entre Israël et le Hamas catalyse l’exacerbation de l’antisémitisme et l’essentialisation des Juifs. Mais ces dernières lui préexistaient. Surtout, la déferlante de ce nouvel antisémitisme est inédite par son ampleur depuis la Seconde guerre mondiale. Alors de quoi les Juifs seraient-ils responsables ? Quelle faute devraient-ils expier ? Essayer de comprendre, d’expliquer, ce n’est pas justifier. Jamais !
La France et nombre de démocraties européennes vont mal, dans leurs profondeurs. Sur fond de difficultés économiques et sociales, de crises de la représentation politique et syndicale, de tensions géopolitiques et de tentations isolationnistes, elles sont les théâtres d’un retour des fondamentalismes et des populismes. Ceux-ci prospèrent d’autant mieux qu’ils sont désintermédiés et radicalisés par la « ragosphère » des réseaux sociaux. C’est au carrefour dangereux de la colère et des algorithmes que s’épanouissent les communautarismes mondialisés qui dépassent les frontières nationales et sur lesquels la République n’a pas prise.
Islamisme et islamo-gauchisme
En France et plus largement en Occident, deux « ismes » sont à l’avant-garde idéologique de cette déferlante : l’islamisme radical et l’islamo-gauchisme à la sauce wokiste.
En France et plus largement en Occident, deux « ismes » sont à l’avant-garde idéologique de cette déferlante : l’islamisme radical et l’islamo-gauchisme à la sauce wokiste. Deux communautarismes, l’un religieux, l’autre politique, pour un seul et même projet de subversion : déstabiliser notre régime politique démocratique et renverser notre système de gouvernement républicain. Deux communautarismes qui, pour parvenir à leurs fins, instrumentalisent un même bouc émissaire : le Juif, tantôt par antijudaïsme religieux, tantôt par anti-élitisme économique.
Aujourd’hui, combattre l’antisémitisme est difficile. D’abord, il se dissimule souvent derrière le faux-nez de l’antisionisme. Ensuite, les amalgames fusent et confusent : non, lutter contre l’antisémitisme ne revient pas à soutenir la politique menée par le gouvernement israélien… Enfin et surtout, retournant l’invocation de la diversité et de la tolérance, les communautarismes religieux et politiques soutenus par l’extrême gauche, exercent leur effet dissolvant sur la communauté nationale et l’universalisme républicain.
Allons maintenant plus loin
La France et plus généralement les États démocratiques ne doivent pas faiblir dans leur mission prioritaire qu’est la restauration de l’autorité et de l’ordre public, ainsi que la protection de leurs citoyens.
Mais il faut aller plus loin. Attaquer les Français de confession juive, c’est attaquer la République dans sa capacité à protéger chacun de ses concitoyens, à commencer par les plus fragiles. C’est donc en protégeant mieux les minorités intégrées dans la République que la France se protégera efficacement contre les communautarismes, lesquels au contraire étiolent le sentiment d’appartenance, de solidarité, de vouloir vivre ensemble. Dans cette perspective et a minima, la lutte contre l’antisémitisme devrait devenir une grande cause nationale et l’enseignement du fait religieux faire son retour à l’école.
Bernard Cohen-Hadad, président fondateur du think tank Étienne Marcel et de la CPME Paris Île-de-France
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