Gouvernance de l’UE : peut et doit mieux faire

Article publié le 3 mai 2024 sur l’Opinion

Si les forces de l’UE méritent d’être défendues, ses faiblesses doivent être corrigées. Pas pour plus ou moins d’Europe, mais pour mieux d’Europe au service d’un décollage des entreprises du continent.

La gouvernance de l’Union européenne fonctionne cahin-caha. Mieux que certains ne voudraient le faire croire. Moins bien qu’elle ne le pourrait et ne le devrait. L’UE agit pour protéger ses 448 millions de citoyens. Sur le plan économique, en innovant avec le plan de relance de l’UE. Sur le plan commercial, en défendant les consommateurs face aux multinationales. Sur les plans industriel et numérique, en investissant dans des projets innovants porteurs d’avenir. Sur le plan stratégique, en soutenant l’Ukraine par des aides diverses.

Mais l’UE tarde souvent à décider et à agir. Elle donne le sentiment de regarder passer les trains. Elle n’a pas su empêcher le retour de la guerre à ses portes. Elle a trop peu réagi à l’IRA américain, lequel malmène la compétitivité de l’industrie européenne et notre souveraineté économique. Elle peine à permettre l’émergence de véritables géants du numérique. Elle n’a pas su achever le marché intérieur ni toujours su stimuler la concurrence, tout en échouant à inverser la pente du vieillissement démographique, qui pénalise notre avenir. Elle n’a toujours pas réservé une partie significative de ses appels d’offres aux PME dans le cadre d’un Small Business Act. Ses bonnes volontés dans la transition écologique se heurtent fréquemment au réel des levées de boucliers.

Moins de normes, plus d’ambition

Parfois encore, l’UE complexifie la vie des entreprises au moment où la France s’efforce de la simplifier. Le projet de directive sur le « devoir de vigilance » est emblématique. Bien sûr, le devoir de vigilance est un levier utile pour la mise en œuvre de la responsabilité sociétale des entreprises. Mais le texte projeté ferait peser sur les PME une lourde charge administrative. Elles se verraient contraintes de multiplier les reportings, à la demande de leurs partenaires.

La modernisation du processus de prise de décision et l’incarnation des ambitions politiques du projet européen sont urgentes

Notre Europe doit aussi gagner en ambition pour soutenir le développement de ses entreprises. Le « Fonds européen pour les investissements stratégiques », si indispensable, doit être mieux orienté vers les PME de croissance et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour soutenir leur conquête industrielle. Et, puisque plus de deux tiers d’entre elles souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre, obstacle majeur à leur croissance, l’UE n’a pas d’autre choix que de stimuler l’apprentissage et la formation tout au long de la vie dans une logique d’« Erasmus professionnel » où c’est l’emploi, in fine, qui gagnera encore en vitalité, pour les jeunes comme pour les séniors.

Evidemment, l’avenir de la France passe par l’Europe. Seules des solutions collectives peuvent permettre de relever les nombreux défis auxquels les Etats membres font face. Mais l’avenir de l’Europe passe aussi par une meilleure gouvernance de l’UE. Moins naïve, normative, bureaucratique et lente. Plus pragmatique, politique, visionnaire et diligente. Moins de directives et de règlements. Plus de démocratie, de subsidiarité, de simplicité et de transparence, pour la décision comme pour l’action. La modernisation du processus de prise de décision et l’incarnation des ambitions politiques du projet européen sont urgentes.

Autonomie stratégique

Les élections européennes de juin sont décisives. Se déroulant à l’ombre de la guerre et à quelques mois de la présidentielle américaine, elles devraient être l’occasion d’un débat démocratique sur la question de la défense européenne. D’aucuns anticipent une poussée des populismes et l’arrivée au Parlement d’une majorité conservatrice et nationaliste. Le nouveau Parlement déterminera notamment la nouvelle feuille de route législative.

L’objectif d’autonomie stratégique européenne devrait être la priorité des priorités dans cette campagne. Il dépasse les questions de défense, pour s’étendre aux enjeux énergétiques, commerciaux, industriels, sanitaires, etc. Tous ces domaines pour lesquels le Brexit, la crise de la Covid et l’invasion russe de l’Ukraine ont révélé les dépendances de l’UE. Au plan commercial, cette autonomie stratégique doit être synonyme de concurrence loyale au sein de l’UE et sur la scène internationale, d’accès aux marchés, de lutte contre les pratiques déloyales de pays tiers et enfin de sécurisation des chaînes d’approvisionnement stratégique.

Bernard Cohen-Hadad est président fondateur du think tank Etienne Marcel, auteur de « L’avenir appartient aux PME » (Dunod, 2024) et François Perret, vice-président du think tank Etienne Marcel, auteur de « Non, votre salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi ! » (Dunod, 2022).

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