TRIBUNE | ZFE : vite, le grand malentendu doit être levé

Le président du think tank Etienne Marcel formule des propositions pour ne pas perdre de vue les objectifs écologique et sanitaire des « zones à faibles émissions ».

Tribune parue le 16 mars 2023 sur l’Opinion

Qui ne veut pas tout faire pour éviter les 40 000 décès prématurés annuels que Santé publique France impute à la pollution atmosphérique ? Si l’objectif de qualité de l’air et de santé publique poursuivi par les « zones à faibles émissions » (ZFE) reste consensuel, le calendrier et les modalités de mise en œuvre de cet outil soulèvent des problèmes, compromettant sa prochaine étape, l’interdiction à la circulation des véhicules catégories Crit’air 3 à compter du 1er juillet. Heureusement, le contexte a évolué, des alternatives existent et les acteurs économiques, touchés dans leur activité, sont une force de propositions.

Un consensus fragilisé

Interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants dans les villes déjà les plus polluées est l’objectif écologique des ZFE. État, citoyens, salariés, chefs d’entreprise, tous partagent l’objectif de réduction de la pollution pour répondre aux enjeux de transition écologique et de santé publique. Cela n’a pas toujours été le cas. La motorisation diesel a longtemps été encouragée par les pouvoirs publics.

La mesure écologique est toutefois perçue comme discriminatoire et punitive, tant les situations divergent face au choix d’une alternative.

Aux inégalités sociales s’ajoute la disparité territoriale des services de transport en commun. Les unes se superposent souvent aux autres, creusant le fossé entre la France des grandes métropoles et celle des zones périphériques et rurales.

En dépit des mesures d’accompagnement et du soutien aux alternatives de mobilité, le risque d’exclusion est évident pour les ménages les plus modestes et les entreprises fragiles.

Un outil daté ?

Artisans, TPE-PME et collaborateurs seront affectés, impactant le dynamisme entrepreneurial et l’attractivité économique du territoire. Il n’est pas illégitime de s’interroger : les péages étaient-ils finalement plus inégalitaires ?

En 2020, malgré les cris d’orfraies, j’avais proposé d’installer un péage urbain diurne autour de Paris avec une tarification différenciée jusqu’à la gratuité partielle ou intégrale suivant le public et le véhicule.

L’outil des ZFE a été décidé au moment où il était perçu comme la moins mauvaise option. Depuis, le contexte a évolué. Des innovations invitent à « l’ouverture technologique ». Biocarburant produit à partir de la biomasse, carburant de synthèse produit à partir d’hydrogène, etc. L’Allemagne met d’ailleurs la pression sur la Commission européenne pour intégrer la possibilité d’utiliser ces carburants de synthèse dans la future réglementation et pouvoir prolonger la vente de voitures à moteurs thermiques après 2035.

Le souhaitable et le possible

Tous veulent donc s’engager pour l’évolution des mobilités dans un sens plus responsable. Mais sans aller plus vite que la musique. Dans le Grand Paris comme ailleurs, le calendrier du déploiement de la ZFE devrait faire l’objet d’une révision concertée avec l’ensemble des parties prenantes. Toutes attendent plus d’aides à l’achat, de progressivité et de visibilité du calendrier, ainsi que le respect de principes : mise en place de dérogations dès lors que les alternatives n’existent pas encore, réversibilité possible du dispositif lorsqu’une agglomération repasse sous le seuil réglementaire de pollution atmosphérique, développement d’une infrastructure suffisante pour l’approvisionnement en énergies propres.

Alors que le pouvoir d’achat et les marges préoccupent les entreprises, le monde économique de proximité a besoin de garanties sur les choix technologiques, d’incitations fiscales, de dérogations et de facilités d’accès pour l’usage des biocarburants, l’octroi du statut de Crit’Air 1 aux véhicules utilitaires légers…

Face aux enjeux, il serait dommage, pour paraphraser Baudelaire, que ce soit par ce malentendu universel que tout le monde s’accorde.

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