Tribune| Accélérons la révolution de la proximité augmentée !

Par Bernard Cohen-Hadad

Toute crise accélère certaines évolutions. Les consommateurs se familiarisent de plus en plus avec l’e-commerce ; les achats en ligne et les paiements dématérialisés. Et si la transformation digitale était depuis de nombreuses années dans l’esprit des patrons de TPE-PME, la crise sanitaire les a convaincus de cette impérieuse nécessité pour leur entreprise. Ils ont compris que le “phygital” serait dorénavant une condition de leur survie et un relais de croissance. Depuis mars 2020, beaucoup d’entrepreneurs de Paris et d’Île-de-France se sont initiés aux nouveaux outils numériques pour dématérialiser leur offre de biens et de services, mettre en place un service de retrait de commandes en magasin et digitaliser certaines fonctions transverses. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Accélérons ! Pour sauver l’activité d’abord, pour réussir la relance ensuite, pour finalement  « tirer profit » et une leçon de la crise.

Un retard numérique certain

Certains ne prédisent-ils pas que le numérique va détruire le lien humain, affaiblir la relation au client, faire disparaître des savoir-faire artisanaux et causer des licenciements

Dans un monde de plus en plus digitalisé, les TPE-PME françaises accusent un retard numérique certain, perdant ainsi en compétitivité et hypothéquant leur pérennité. En 2017, 87% des PME considéraient que le digital n’était pas une priorité stratégique selon une étude BPI France Lab. En 2019, 30% des PME n’avaient pas de site web selon un sondage YouGov pour Google France. Chez nos voisins, en Allemagne et en Italie, 60 % des commerces proposent des offres digitalisées.

Pourquoi ? Souvent isolé, le chef de TPE-PME n’a pas toujours la maturité digitale suffisante pour affronter la complexité numérique, établir une stratégie, faire des choix technologiques adaptés, assurer la sécurité des systèmes, être présent sur le web et les réseaux sociaux, réorganiser ses process internes, etc. Il existe aussi des freins psychosociaux à la conduite d’un tel changement : la surcharge de travail à absorber, les expertises externes difficiles d’accès, la rareté des profils qualifiés sur un marché en tension, sans oublier bien sûr les inévitables résistances internes au changement. Il y a aussi une « légende noire ». Certains ne prédisent-ils pas que le numérique va détruire le lien humain, affaiblir la relation au client, faire disparaître des savoir-faire artisanaux et causer des licenciements, au moment même où la fermeture des petits commerces « non essentiels» a rappelé combien ils sont des « biens communs » à forte valeur sociale ajoutée.

L’offensive des GAFAM

C’est pour cette raison que nous – petites “entreprises citoyennes” soucieuses de souveraineté numérique, comme de cybersécurité – sommes favorables à ce que les acteurs français (et européens) s’emparent de ce marché, plutôt que des acteurs américains ou chinois.

Ces derniers jours on a beaucoup parlé du « Black Friday » et montré du doigt les GAFAM. Les motifs de la « querelle » tendent à oublier que si l’on peut négocier avec les géants du numérique, on ne peut pas leur interdire de vendre et qu’in fine ce sont les consommateurs qui choisissent. Aujourd’hui, les GAFAM développent de plus en plus de services de digitalisation pour les TPE-PME avec des offres de formation en ligne (Google et Facebook) et des offres de places de marché en ligne (Amazon). Des dizaines de milliers de TPE-PME ont déjà fait leur transformation numérique et vendent sur des places de marché. Selon Amazon, 11 000 TPE-PME vendraient via sa  plateforme.

Ces opérations ne sont pas anodines. Elles visent, avec un savoir-faire parfait en marketing et communication, à montrer que les géants du numérique et les grandes plateformes ne sont pas des « monstres froids ». Quoi qu’il en soit, ces initiatives – qui tendent la main aux petites entreprises – vont dans le bon sens et peuvent contribuer à accélérer la transformation digitale des TPE-PME. C’est pour cette raison que nous – petites “entreprises citoyennes” soucieuses de souveraineté numérique, comme de cybersécurité – sommes favorables à ce que les acteurs français (et européens) s’emparent de ce marché, plutôt que des acteurs américains ou chinois.

Face à cette offensive, les pouvoirs publics doivent être ambitieux et contre-attaquer sur la longue durée. Pour accélérer la digitalisation des petits commerces et aider les TPE-PME à disposer d’une solution de paiement en ligne, vendre en ligne ou encore proposer un service de livraison / click & collect, le Gouvernement a créé un fonds de 100 millions d’€. La Région Ile-de-France a mis des fonds supplémentaires pour étendre le chèque numérique de 1 500€ à de plus en plus d’entreprises franciliennes. Ces moyens indispensables doivent être disponibles rapidement et vraiment bénéficier à tous les commerces, les artisans et les services, quelles que soient les activités. Il y a hélas, encore des trous dans la raquette !

N’oublions pas, par ailleurs que tous les e-commerçants ne sont pas des GAFAM ! La plupart d’entre eux sont très implantés en France où ils génèrent beaucoup d’emplois non délocalisables. CDiscount et Rakuten incarnent les marketplaces françaises à succès.

Une nation de la “proximité augmentée”

C’est en travaillant ensemble, sans arrière-pensées et en acceptant le changement, que nous pourrons faire évoluer nos petites entreprises.

La France est déjà une “start up nation” et comptera bientôt des géants du numérique, ce dont chacun peut se réjouir. Pour aller plus loin, j’appelle notre pays à (ré)concilier numérique et proximité en mobilisant les ressources nécessaires pour devenir une nation de la “proximité augmentée”.

Afin d’accélérer la transformation digitale des TPE-PME, j’avais demandé dès le mois de juin, dans une tribune avec Fabien Versavau (PDG de Rakuten France) et Céline Saada-Benaben (directrice générale d’eBay en France), un “New Deal” pour les TPE-PME reposant sur 4 piliers : des formations gratuites en lien avec les organisations patronales, les CCI et les Chambres des métier ; un soutien à la transformation numérique via France Num consolidé et étendu au niveau national et dans les territoires en lien avec les Régions ;  la création d’un crédit d’impôt dédié à la transformation numérique ; et, enfin, le développement de solutions logistiques efficaces et accessibles sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Ce “New Deal” n’est plus seulement d’actualité. Il est devenu urgent !

C’est en travaillant ensemble, sans arrière-pensées et en acceptant le changement, que nous pourrons faire évoluer nos petites entreprises. Et si les consommateurs ont su, dans l’économie du confinement  manifester leur solidarité avec les entreprises de proximité, nous savons que le mouvement de notre société les pousse à acheter de plus en plus en ligne. Notre intérêt à tous est alors qu’ils deviennent aussi des “consom’acteurs” en ligne et qu’ils fassent vivre la proximité en cliquant responsable.


Crédit illustration : Affaires vecteur créé par pikisuperstar – fr.freepik.com

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