Une « nouvelle donne » pour le commerce

Opinion | Une « nouvelle donne » pour le commerce

Tribune parue sur le site Les Echos
Publié le 16 juin 2020 à 12h20

Les frontières entre commerce physique et vente en ligne se sont progressivement estompées, le parcours client n’est plus linéaire, les canaux pour réaliser les achats se sont diversifiés, les consommateurs sont devenus plus exigeants et souhaitent donner davantage de sens à leur action d’acheter… L’heure n’est plus à démontrer la complémentarité entre le commerce physique et le commerce numérique ni l’opportunité que ce dernier représente. La crise actuelle est venue mettre en lumière l’urgence d’accélérer la transformation digitale de nos commerces de proximité. Pour répondre aux défis de la relance, les acteurs traditionnels du secteur doivent disposer des outils qui leur permettront de saisir pleinement les opportunités offertes par les nouvelles formes de commerce et non les subir.

La crise due au coronavirus et le confinement ont mis en lumière l’urgence d’accélérer la transformation digitale de nos commerces de proximité, écrivent trois personnalités. Ils plaident pour une politique interventionniste qui reposerait sur quatre piliers : la formation, le soutien à l’investissement, la fiscalité et la logistique.

Par Fabien Versavau (PDG de Rakuten France), Céline Saada-Benaben (directrice générale d’eBay en France), Bernard Cohen-Hadad (président de la CPME Paris Ile-de-France)

Le choc provoqué par le confinement sur les commerces de proximité a accéléré la transformation des habitudes de consommation des Français. Selon le baromètre de la CPME Paris-Ile-de-France publié fin avril, 95 % des patrons de TPE et de PME ont constaté une perte de chiffre d’affaires pendant cette période et 87,2 % d’entre eux sont inquiets pour leur avenir. La Confédération des commerçants de France a quant à elle observé que parmi les 14 % d’entreprises qui ont poursuivi leur activité, seules 5 % l’ont fait « différemment », à savoir grâce aux ventes sur internet ou à emporter.

L’une des clés de la reprise économique des commerçants réside précisément dans la marge de progression de ce taux, qui illustre une tendance observée depuis plusieurs années : les frontières entre commerce physique et vente en ligne se sont progressivement estompées, le parcours client n’est plus linéaire, les canaux pour réaliser les achats se sont diversifiés, les consommateurs sont devenus plus exigeants et souhaitent donner davantage de sens à leur action d’acheter.

Si l’omnicanalité était déjà le signe d’une évolution du secteur, l’adaptation aux règles de distanciation et aux nouvelles habitudes de consommation passera inévitablement par le développement d’une offre commerciale dématérialisée, la mise en place d’outils adaptés et la familiarisation avec les outils digitaux à toutes les étapes du parcours client. Le « click & collect » par exemple, sera l’une des composantes essentielles de la relance de l’activité des commerces pour maintenir le lien avec les commerçants.

Aller encore plus loin

L’heure n’est plus à démontrer la complémentarité entre le commerce physique et le commerce numérique ni l’opportunité que ce dernier représente. La crise actuelle est venue mettre en lumière l’urgence d’accélérer la transformation digitale de nos commerces de proximité. Pour répondre aux défis de la relance, les acteurs traditionnels du secteur doivent disposer des outils qui leur permettront de saisir pleinement les opportunités offertes par les nouvelles formes de commerce et non les subir.

La Charte du e-commerce signée en 2019 entre certains acteurs du commerce en ligne, la CPME et le gouvernement a jeté les bases d’une relation durable et de confiance. La crise a quant à elle montré la capacité des acteurs du numérique à répondre à l’appel des pouvoirs publics et à se mobiliser rapidement pour accompagner les commerçants vers la digitalisation et le maintien de leurs activités.

Si les mesures exceptionnelles mises en place par le gouvernement pour permettre au commerce français de survivre à la crise ont été salutaires et nécessaires, nous devons aujourd’hui collectivement aller plus loin et être plus ambitieux pour l’évolution durable du commerce, sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Pour un New Deal

Pour accompagner cette transition profonde et embarquer tout le secteur avec le soutien des pouvoirs publics, nous appelons à un « New Deal » pour le commerce reposant sur quatre piliers : la formation, le soutien à l’investissement, la fiscalité, la logistique.

Des formations gratuites doivent pouvoir être dispensées automatiquement non seulement à la création d’un commerce mais aussi tout au long de l’activité, en lien avec les organisations patronales, les CCI, les Chambres des Métiers qui pourront s’appuyer sur l’expertise des acteurs natifs du digital.

Un soutien à la transformation numérique des TPE-PME via France Num consolidé et étendu au niveau national et dans les territoires en lien avec les Régions. Un Fonds de soutien cofinancé par l’Etat et les Régions et fléché vers l’investissement dans le digital pour les TPE/PME permettrait de libérer des capacités d’investissement pour les commerçants alors capables d’innover au-delà de la simple commande en ligne pour disposer d’outils statistiques, de gestion de stock, améliorer les parcours clients en boutique ou diversifier les moyens de paiement. Dans cet esprit, des initiatives telles que le chèque numérique de 1.500 euros mis en place par la Région Ile-de-France pour aider les commerces, les artisans et les TPE à devenir « connectés » doivent être accessibles à toutes les activités, prolongées et promues.

La création d’un crédit d’impôt dédié à la transformation numérique pour le commerce doit être également envisagée.

Enfin, face aux défis logistiques et postaux rencontrés pendant la crise, une réflexion sur le développement de solutions logistiques efficaces et accessibles sur l’ensemble de la chaîne de valeur doit être engagée.

Assises du commerce

La crise que nous venons de vivre requiert l’urgence et un dialogue franc. C’est pourquoi nous demandons l’organisation d’Assises du commerce dans les prochains mois qui devront être l’occasion de fixer ensemble des objectifs ambitieux, concrets, et de décider de mesures fortes portées par les entreprises (françaises ou filiales de groupes internationaux), les représentants des acteurs économiques traditionnels et numériques, les élus et les pouvoirs publics. Aux côtés des exigences économiques et sociales, les préoccupations environnementales et de santé publique doivent désormais apparaître en bonne place. La crise les a rendues incontournables.

Paradoxalement, le confinement a montré que le numérique permet de maintenir le lien social, les activités professionnelles, mais aussi la consommation, la santé, ou encore l’alimentation. La crise a rappelé aussi que les attentes du consommateur rythmaient les flux de l’offre commerciale. Aujourd’hui, encourager la transformation digitale de nos commerces de proximité, c’est leur donner une nouvelle chance.

Fabien Versavau est PDG de Rakuten France. Céline Saada-Benaben est directrice générale d’eBay en France. Bernard Cohen-Hadad est président de la CPME Paris Ile-de-France.


Photo : Un fleuriste, à Paris, rouvert pendant le confinement pour livrer des commandes par internet et téléphone. (Romuald Meigneux/Sipa)

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