TRIBUNE | Pour une économie plus verte, humaine et responsable

Le président du think tank Étienne Marcel appelle à ne pas jeter l’eau des transformations sociétales attendues avec le bain de la crise sanitaire.

A l’aube de 2022, les chiffres de l’économie et de l’emploi sont presque revenus à leurs niveaux anté-pandémiques.

En dépit d’Omicron et du poids des variants successifs sur le système de santé, le moral des acteurs économiques reste stable grâce aux interventions “quoi qu’il en coûte” des pouvoirs publics, principalement l’État et les Régions. Si “le monde d’après” qui se dessine apparaît ainsi plus proche de celui de 2019 que de celui pensé, anticipé et souhaité pendant le “remue-méninges” confiné du printemps 2020, il ne faudrait pas gâcher la crise en renonçant à en tirer les bonnes leçons. Nombreux sont en effet les entrepreneurs et les salariés qui ne veulent pas se contenter des accélérations acquises, de l’identique, mais attendent les transformations promises, pour une économie plus verte, humaine et responsable en lien avec nos territoires.

« L’avènement du numérique répond […] à la demande des clients pour du e-commerce et à la demande des collaborateurs pour du travail hybride “phygital”. »

Transformer l’essai

L’économie de confinement a accéléré des changements de production et de consommation aussi utiles qu’attendus (et parfois inattendus). A commencer par la numérisation des entreprises, avec un rattrapage pour les TPE-PME, le télétravail, le commerce en ligne ou encore la revitalisation de l’économie résidentielle. L’avènement du numérique répond tout à la fois à la demande des clients pour du e-commerce et à la demande des collaborateurs pour du travail hybride “phygital”. “Effet cliquet”, ces accélérations sont désormais probablement acquises.

Au-delà, les attentes collectives du marché et les attentes individuelles au travail ont elles aussi évolué. D’un côté, la société aspire à une transition vers un nouveau modèle économique et social plus responsable, sobre, durable, décarboné, innovant, inclusif, résilient. De l’autre, l’individu est en quête de davantage de sens au travail et d’utilité sociale, avec un enchevêtrement de plus en plus étroit entre la réalisation de soi et ce projet collectif sociétal.

« Les pouvoirs publics doivent accompagner l’adaptation des acteurs économiques et des territoires, dans leur grande diversité, à cette nouvelle donne écologique positive. »

Cercle vertueux

L’économie plus verte est d’abord circulaire, plus sobre et efficace en consommation de ressources. Elle catalyse de nouveaux modèles économiques, en repensant les besoins, en sourçant plus local, en luttant contre l’obsolescence programmée, en réduisant les gaspillages. Elle induit aussi la consommation responsable du “consom’acteur”, individu mû par des préoccupations à mi-chemin entre l’homo oeconomicus et l’homo civicus. Consommer responsable, c’est aussi pour lui une façon de pallier la crise de la démocratie représentative en faisant valoir ses attentes par le changement concret des usages socio-économiques, plutôt que par le renouvellement, parfois peu concluant, des visages politiques et des appareils partisans.

Les pouvoirs publics doivent accompagner l’adaptation des acteurs économiques et des territoires, dans leur grande diversité, à cette nouvelle donne écologique positive. Par exemple en créant des filières locales de recyclage, en luttant contre les dépôts sauvages, en encourageant et valorisant la récupération des déchets des activités agricoles, du BTP ou de services. Sans oublier la rénovation énergétique des logements et des locaux professionnels, dont il est trop peu question alors que ce sont le plus souvent des passoires thermiques et acoustiques qui nuisent à la qualité de vie et de travail…

« Et en améliorant le partage des richesses, avec une indispensable et juste revalorisation des salaires compensée par une baisse des charges patronales, un revenu minimum pour les travailleurs indépendants… »

Combattre les inégalités

L’économie plus humaine est celle qui concourt à la résorption des inégalités. La crise a particulièrement touché les plus fragiles et modestes – jeunes, seniors, familles monoparentales, petits entrepreneurs individuels, artisans et commerçants indépendants et isolés, habitants des quartiers populaires, etc. Pour réduire ces inégalités, d’autant moins supportables que la France est un pays riche, des dispositifs d’aide et de soutien doivent être mis en place pour mieux absorber socialement les crises. Chacun doit pouvoir conserver ou retrouver une dignité, dans l’entreprise comme dans la Cité.

Comment ? Par exemple en renforçant l’accès aux formations pour les salariés comme pour les indépendants. Et en améliorant le partage des richesses, avec une indispensable et juste revalorisation des salaires compensée par une baisse des charges patronales, un revenu minimum pour les travailleurs indépendants et la réouverture des métropoles à tous ceux qui les font vivre mais n’ont plus les moyens d’y vivre. Plus que jamais, il faut retisser le lien social, renforcer les nouvelles solidarités et garantir à chacun une dignité sociale.

« Soucieuse des conséquences, désireuse de conjuguer éthique de conviction et éthique de responsabilité, elle ne fait pas l’économie d’une interrogation sur ses partenaires et ses rapports commerciaux internationaux. »

Responsabilité tous azimuts

Enfin, alors qu’elle y plonge ses racines et y puise sa force, l’entreprise ne saurait être durablement prospère dans une société et dans un monde qui ne le seraient pas aussi. Elle doit par conséquent être utile pour le plus grand nombre.

Cette entreprise “citoyenne” assume pleinement son rôle dans la vie de la Cité, en déployant une démarche de “responsabilité sociétale des entreprises” (RSE) qui intègre volontairement à ses activités commerciales et à ses relations avec les parties prenantes les enjeux du développement durable, c’est-à-dire les préoccupations “ESG” pour environnementales, sociales et de gouvernance, de sorte de rester économiquement viable tout en ayant un impact positif sur la société et dans le monde.

Soucieuse des conséquences, désireuse de conjuguer éthique de conviction et éthique de responsabilité, elle ne fait pas l’économie d’une interrogation sur ses partenaires et ses rapports commerciaux internationaux. En cohérence avec sa volonté de promouvoir le progrès partout et pour tous, elle se positionne au cas par cas : elle accepte de commercer dès que possible, y compris afin “d’engager” ses partenaires et de contribuer à tirer leurs standards sociétaux vers le haut ; et elle refuse de commercer chaque fois que nécessaire, dès lors qu’il apparaît plus efficace de passer par la non-coopération pour inciter à modifier positivement le statu quo.

L’entreprise “citoyenne” fait ainsi sienne la formule Gilles LIPOVETSKY dans Le crépuscule du devoir : l’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques : “Le XXIème siècle sera éthique ou ne sera pas”.

Tribune également publiée le 03/01/2022 sur l’Opinion.fr

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