Il y a quelques mois, une jeune femme d’origine Malienne poussait la porte de notre bureau pour demander si l’on prenait des stagiaires. Après lecture de son curriculum vitae, j’étais contraint de lui indiquer que nous ne pouvions la « tuteurer ». De plus, nous ne voulions pas lui imposer quatre semaines de stage courrier ou photocopieuse. Dans une PME, il y a tellement mieux à faire. L’immersion en entreprise doit apporter un bénéfice intellectuel partagé. Je la questionnais sur ses études et faute d’idées demandais l’intervention d’une collaboratrice pour obtenir confirmation que raisonnablement nous ne pouvions dégager du temps. Cette digression me donna l’occasion de penser à mes études. Ce temps où l’on écrivait que l’immigration était « une chance pour la France ». Les espoirs des années 1970 étaient bien loin et l’on avait peu progressé en ce domaine si ce n’est récemment par l’arrivée de nouveaux vocables. Au terme immigration, connoté péjorativement, on en substitue désormais d’autres plus positifs tels que diversité, parité, égalité des chances, inter culturalité. Ils relèvent pourtant d’un même constat: la difficulté de faire progresser le monde de l’entreprise.
Mais revenons à notre stagiaire, j’essayais de comprendre les raisons pour lesquelles elle n’avait encore rien signé. Avait-elle attendu le dernier moment ? N’avait-elle aucuns parents ou ami salarié dans un commerce, un bureau, une administration ? Avait-elle eu une attitude négative lors des entretiens ? N’était-elle tout simplement pas assez motivée ? Parcourant attentivement ses papiers, je compris qu’il s’agissait de tout autre chose: elle était malienne, habitait Nanterre et avait 19 ans. Je sentis en moi un sentiment d’injustice, retenu l’expression d’un découragement. Dans nos commerces, dans nos PME, nous étions désarmés face à ces généreux discours officiels sur l’égalité des chances. L’un et l’autre, dans ce petit bureau, nous nous trouvions à mille lieues de ces publicités qui vantent la diversité pour un shampoing ou un produit alimentaire, impuissants face à la réalité.
En regardant ses grands yeux sombres, je me suis dit que nous perdions une chance de découvrir un talent, de partager une expérience, de permettre à un regard neuf d’observer nos méthodes, de faire, qui sait, progresser notre fonctionnement. Et si, cette rencontre était l’occasion de faire connaître aux enseignants et aux jeunes notre métier, le rôle essentiel des commerces de proximité dans nos villes et nos quartiers ? Si, cette brève collaboration pouvait susciter une vocation, assurer demain le relais d’un savoir faire, encourager la reprise d’une activité, donner envie s’installer ?
Je signais avec espoirs cette convention de stage.
Je n’ai pas eu à le regretter.
Bernard COHEN-HADAD
À lire également
-
Dans l’entreprise aussi, la religion ne doit pas faire la loi
-
Verdir le financement, financer le verdissement
-
La RSE pour… responsabilité sportive des entreprises !
-
La nouvelle union de la gauche doit faire son aggiornamento vis-à-vis des entreprises
-
Thierry REPENTIN, Ministre Délégué chargé des Affaires Européennes remet le Prix Etienne Marcel 2013