La controverse sur le taux de centralisation de l’épargne du Livret A et du livret de développement durable (LDD), devenue aujourd’hui publique, et qui anime la réflexion des travaux de l’Observatoire de l’Epargne Réglementée (OER), mérite pourtant autre chose que la caricature d’une « guerre de positions » entre les banques, réseaux historiques ou réseaux nouveaux- alliés de raison plus que de cœur – et la Caisse des Dépôts. D’autres parties prenantes, dans cet enjeu qui intéresse la meilleure utilisation de l’épargne populaire préférée des français, ne sont pas moins actives par leurs propositions comme par leurs interventions dans les médias ou auprès des parlementaires, en cette période de débat budgétaire. Et il serait de mauvaise analyse d’occulter les propositions de la direction du Trésor, de l’Union Sociale pour l’Habitat voire de minimiser l’attitude de la Banque de France pour se faire une juste idée et participer sereinement à ce débat. Les PME, n’ont jusqu’à présent, pas souhaité ajouter de l’eau au moulin d’une discorde qui porte sur des chiffres, un taux, préférant veiller, par leur réserve, à ce que ce que cette situation ne contribue pas à détruire l’esprit de ce dispositif. Et le substituer par un autre moins accessible, moins soucieux de leurs attentes, du respect de la loi et finalement de l’intérêt général.
Des PME qui se demandent, tout de même par l’ampleur donnée à la publicité de cette affaire, par quels moyens, quels circuits, quels mécanismes on va réussir, une fois encore, à rendre plus opaque un écran de fumée. Des PME qui craignent que des arbitrages hâtifs conduisent à réduire des fonds destinés aux entreprises, aux PME indépendantes qui en ont, conjoncturellement, encore plus besoin pour financer leurs investissements, la reprise de leurs activités, assurer le développement de notre économie et accompagner la reprise de l’emploi, en particulier chez les jeunes et les séniors.
Dans cet esprit, avant d’avancer à marche forcée et de prêter aux uns et aux autres des intentions qu’ils n’ont pas, de jouer de l’influence et de se prononcer sur tel scénario, de valider dans la précipitation un taux de centralisation, dont le décret n’est pas pour demain mais devra être publié, au plus tard, le 30 septembre 2011, rappelons que l’Observatoire de l’Epargne Réglementée (OER) – qui doit travailler dans le secret de ses travaux – a fait paraitre, fin juillet 2010, son premier rapport. On se doute que peu de lecteurs ont dû l’emporter en vacances et que seuls quelques spécialistes l’ont pris en lecture à la rentrée.
C’est bien dommage, il est bien fait et riche d’enseignements.
On y trouve, tout d’abord, que l’un des objectifs de l’Observatoire est de mieux suivre les fonds du livret A et du LDD collectés depuis le 1er janvier 2009, par toutes les banques, dont les encours doivent être affectés aux PME. Et pourtant, cette institution reconnait ne pas disposer de tous les éléments d’informations chiffrés, faute du retour de nombreux établissements bancaires, réseaux historiques ou réseaux nouveaux. C’est un constat bien surprenant. On peut y découvrir, ensuite – à travers une étude de qualité sur une longue durée – que la collecte de l’épargne réglementée reste relativement stable mais peut fluctuer en fonction de la situation économique, du sentiment de confiance des épargnants. Il s’agit d’un placement populaire, sécurisé, d’une grande disponibilité, soumis à avantage fiscal, très sensible à sa rentabilité mais néanmoins fragile. Ce qui n’était jusqu’alors qu’une impression est maintenant étayée par des chiffres. Enfin, on peut apprendre qu’à fin 2009, les fonds restant au bilan des banques ont augmenté de 12, 4 milliards. Durant la même période les encours de prêts aux PME (n’) ont progressé (que) de 6,4 milliards d’euros. Nous prenons acte de ce différentiel, sur fonds non centralisés, qui signifie tout simplement que des sommes importantes restent à affecter (ou n’ont pas été affectées) aux crédits des PME.
Dans ces conditions, les PME sont en droit d’insister sur le fait que, pour le moment, la véritable « querelle » – pour reprendre une acception gaullienne qui par sa force souligne notre souci, notre émotion et notre volonté de nous attacher aux vrais enjeux que sont le financement des entreprises – est avant, toute autre chose, de réclamer plus de transparence et de mettre en place les outils pour y parvenir.
Plus de transparence sur les remontées des banques et sur les raisons du différentiel. Quels sont les réseaux qui jouent le jeu et quels sont ceux qui s’en exonèrent ? Avec quelles conséquences ? Si les fonds restés dans les bilans des banques ont effectivement progressé, pourquoi un différentiel d’un tel niveau alors que cette manne pourrait aider des TPE et des PME qui rencontrent toujours des difficultés pour obtenir des crédits. Au-delà de la confiance que nous mettons dans la parole des banques, nous aimerions pouvoir connaître l’affectation des fonds par taille d’entreprise, par nature (indépendante ou filiale de grand groupe), par secteur d’activités et pour chaque établissement bancaire.
Et il ne s’agit pas de polémiquer, de vouloir piéger ou de mettre les banques en défaut. En effet, depuis plusieurs mois, dans la crise financière, la CGPME a engagé un dialogue constructif avec la Fédération Bancaire Française. Nous nous réjouissons de cette avancée qui a permis, grâce à la présence du Médiateur du Crédit, de régler un certain nombre de situations difficiles pour nos entreprises. Les banques sont devenues des partenaires responsables quand les PME ont accepté de jouer, de leur côté, le jeu de la transparence de leurs comptes. Mais, pour sortir de la crise, il faut un peu plus que des déclarations d’intention.
Un peu plus de reconnaître que ce qui a été fait – n’est pas négligeable – et de s’y arrêter. Il convient d’aller plus loin pour aider les TPE et PME qui vont devoir supporter, demain, les contraintes que feront peser les mesures de Bâle III sur les établissements bancaires.
Nous attendons, également, plus de transparence dans l’engagement de la Caisse des Dépôts vis-à-vis des intérêts des PME. Qui peut contester, qui peut nier que la Caisse occupe une position incontournable dans le dispositif de l’épargne réglementée ? Elle en est la colonne vertébrale. Il suffit de se reporter aux chiffres pour constater qu’à la fin de l’année 2009, elle centralise déjà 66, 4% de l’épargne du livret A et du LDD. On connait, et l’on apprécie, son implication dans le financement des PME à travers d’autres circuits dans le cadre de dispositifs qu’elle a mis en place comme celui de France Initiative. Mais pour l’épargne réglementée, l’augmentation du taux de centralisation que la Caisse justifie par la volonté de développer sa politique de financement du logement social qui – nous en sommes conscient, engage 12 milliards d’euros de travaux dans les PME – aura-t-il pour conséquence d’augmenter ou de geler voire de réduire les ressources destinées aux PME ?
L’Epargne des français à travers le livret A est un bel édifice, multi-générationnel, dont la stabilité repose sur un équilibre subtil. Plus qu’un dispositif financier, c’est une tradition ! Une décision dans le choix du taux de centralisation qui engage l’avenir doit immanquablement prendre en considération la sécurité, l’exigence rentabilité des opérateurs, la souplesse et l’adaptabilité du taux dans le temps, le soutien durable et identifié aux PME comme au logement social.
A défaut, d’une telle harmonie on rompra le pacte de solidarités. Balzac ne nous rappelle-t-il pas que le singe, ne pouvant réussir à sortir du violon des sons qui le satisfissent, saisit l’instrument par le manche et le brisa.
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